Ouvrage collectif août 2022
Date limite avant le 31 mai 2022.
Héroïsme juvénile et morale sociétale :vers un dépérissement critériologique ?
L’héroïsme se structure sémantiquement et empiriquement au cœur d’actions d’éclat et de portée générale qui tranchent avec la commune mesure, pour se hisser dans l’auréole de l’ineffable. Les mythes et légendes, puis l’histoire des hommes ont connu des héros de dimensions surhumaines aux parcours extraordinaires, et qui ont joué des rôles déterminants au sein de leurs communautés respectives. Tantôt divinisé (Atlas, Arès, Homère, Hermès…), quelquefois mi-homme mi-dieu (Achille, Ulysse, Hector, Héraclès…), d’autrefois, simplement humain (César, Arthur, Œdipe…), le héros l’emporte toujours ou presque sur la mêlée générale et les forces négatives qui oppriment et détruisent les relations et l’harmonie au sein des groupes sociaux au prix d’une épiphanie sacrificielle. La figure romanesque/littéraire qui consacre le héros tire avantage des confins, des mystères et des largesses d’une tradition héritée des légendes, des mythes (mythologies gréco-latine, indienne…), de l’histoire des peuples (grec, latin, indo-européen, prussien…) pour ouvrir sur une typologie variée, une taxinomie spontanée et une critériologie rituelle. Si le XVIIIe siècle littéraire n’embrigade pas l’héroïsme romanesque dans une iconoclastie radicale, il est le réservoir de l’histoire à partir duquel se dessine une avalanche de figures jeunes en action au sein des récits. Qu’ils soient littéraires ou philosophiques, ces récits se construisent autour et avec des personnages relativement jeunes et en mission dans l’antre d’une société souvent étrange ou étrangère. Ces espaces a priori problématiques informent une série de découvertes qui ne font pas mystère des trajectoires chaotiques ou accidentogènes des héros-jeunes : Julie ou la Nouvelle Héloïse, Candide, Zadig, Jacob, le chevalier Des Grieux ou Manon Lescaut Enfin de siècle, la littérature allemande, avec Goethe (Les Années d’apprentissage de Wilhelm Meister– 1794-1796), et Schlegel, initie de nouvelles figures du héros jeune et forge la notion de bildungsroman[1]. Le pendant en France donne le roman d’apprentissage, ainsi que ses variantes (roman de formation ou d’éducation…). Il naît alors une série de romans forgés autour de la notion de quête de soi problématique au sein d’un siècle troublé et à l’intérieur de sociétés, pour la plupart, en devenir. Les expériences sont nombreuses et prennent la forme d’initiations diverses aux différentes sources de connaissance, de vitalisation ou de cooptation sociales ; ainsi qu’à toutes formes de virtualités présentant un attrait quelconque d’actualisation de potentiels… Werther, puis Wilhelm marquent l’histoire allemande d’une forte empreinte d’expériences juvéniles inédites qui se répandent sur l’ensemble de l’Europe. Cette esthétique nouvelle gagne davantage la littérature française dont la connotation romantique prend de l’ampleur avec la mise en relief de personnages tels Frédéric Moreau, Charles Bovary, Renée, Julien Sorel, Octave, Lucien de Rubempré, Eugène de Rastignac, Passepartout, Nemo… La spécificité de ces personnages est d’incarner une jeunesse de son temps, résolument marquée par le souci de l’intégration sociale. La rhétorique descriptive et la verve narrative jouent de la relative jeunesse de ces personnages fragiles et vulnérables à peine sortis de l’enfance, le plus souvent d’origines minces (classes roturières, ouvrières) et jetés dans l’enfer d’une société d’intérêts : support de son apprentissage… Ces personnages jeunes sont confrontés à l’illusion d’une réalisation qui emprunte diverses trajectoires dont les plus cruelles sont l’abîme, la désillusion, l’amertume, le désespoir, l’abandon ; et quelques rares fois, la félicité d’une réussite, diversement variée …Ces personnages ressassent à travers expériences et vécu, le socle empirique des générations des époques qu’ils traversent. Ils étreignent avec ceux-ci, les souvenirs ou expériences heureux ou malheureux, dans les champs aussi divers de l’amour, de la joie, de la pauvreté, de la déception, de la naïveté, de la croyance, de l’abondance ou de la rareté…Toutes choses qui jalonnent l’espace de l’apprentissage.
Le jeu romanesque manipule les personnages, les espaces, le temps et se prête comme sources inépuisables d’exploitations esthétiques au prorata desquelles les romanciers leur assignent des fonctions particulières au cours de ces expériences de formation-apprentissage du jeune-héros dont la candeur, les premiers balbutiements de succès, ou d’échec créent un attachement singulier dans le contrat de lecture. Dès lors que celles-ci sont liées à la question du mal du siècle (au XIXe siècle) entendue comme un rêve d’héroïsme fatalement condamné à la marginalité, à la nostalgie d’une jeunesse sacrifiée, angoissée par la montée prématurée de la flétrissure, et au dégoût de l’existence, ces jeunes personnages confinent à une empathie constructive. Le vingtième siècle interroge la place de la formation-apprentissage dans le parcours du héros jeune. En effet, au moment où les droits de l’homme prennent le pas sur un certain nombre de pratiques sociales, il est à se demander quelles figures sustenteraient la formation du héros jeune dans les récits. La mise en crise de cette notion apparaît donc inévitable dans la création littéraire… Déjà à l’œuvre au XIXe siècle avec Jules Vallès (L’Enfant, L’Insurgé, Le Bachelier : trilogie des Mémoires d’un révolté), la souffrance du héros épouse plusieurs formes dans les liens complexes de la relation familiale, des fréquentations sociales, à l’intérieur de l’expérience sentimentale et de la formation, dans la quête d’affirmation et de réalisation. C’est un père qui pèse par un autoritarisme déchaîné et une brutalité suffocante (Julien Sorel, Axel,…), une mère, voire une responsable de couvent, ou de famille d’accueil qui lacère la conduite d’un personnage trouvé indélicat ; ou encore, une relation sociale qui en impose par le charisme et l’éducation (Vautrin, Jean Valjean). Jean Paul Sartre ou Marguerite Duras reviennent sur ces questions d’une enfance douloureuse et pervertie par les parents, « tuteurs légaux » et/ou circonstanciels (familles recomposées), et la plupart du temps, perdue dans la perspective de la quête de réalisation sociale qui hante tout esprit jeune… En somme, le héros jeune présente ainsi un profil protéiforme qui, du XVIIIe au XXIe siècle, gît au sein de nombreuses sociétés d’accueil sans jamais pouvoir se frayer une voie authentique, linéaire et structurée d’actions centrées sur la quête de soi. Entre mythe, légende et conventions, ce dernier se retrouve, au final, comme pris dans l’étau d’un déterminisme historiquement contagieux, de désagrégation, de déchirement et d’appauvrissement mis au service d’un dépérissement sévère de l’héroïté dans le jeu esthétique. Les thématiques qui prennent en compte une telle évolution diachronique et sémantique du héros jeune sont nombreuses. Elles peuvent par exemple trouver leur reflet à l’intérieur des orientations suivantes :
I – Typologie du héros romanesque dans l’histoire littéraire
- Le héros arthurien et la geste : caractéristiques d’un genre
- Esthétiques et déontologie du personnage héroïque
- Place du héros au sein des sociétés du Moyen-âge à la Renaissance
- Le héros classique : une typologie normée
- Héros et anti-héros en croisement dans la poétique romanesque
- L’anti-héros ou le dysfonctionnement d’un concept
- Le héros à travers les siècles : perception diachronique et évolutive
II – Le héros-jeune à la conquête des sociétés
- Place et rôle du personnage romanesque dans le récit : héros en devenir
- Dimensions et figures poétiques du héros de jeunesse
- Le héros de jeunesse : entre fougue, potentiels et maladresses
- Le héros et la quête de soi : une aventure figée entre générosité et obstacles
- Quêtes héroïques et réalisation sociale
- Profils, conquêtes et socialisation de l’individu
III – Avatars esthétiques du héros-jeune à travers histoire et expériences
- Le héros romanesque face au destin
- Le héros : entre contrepoints, hasards romanesques et contraintes esthétiques providence et héros jeune
- Histoire et poétique du héros-jeune
- Contexte, origines et environnement social de construction de l’image du héros romanesque
- Le héros jeune en littérature : produit de sa société
Ces thématiques suggérées sont indicatives ; il existe une pluralité d’approches en lien avec la notion d’héroïsme – et celle de jeunesse – dans les domaines aussi divers que l’histoire, la philosophie, la sociologie…Ce qui donne à ce sujet une dimension transversale du fait de ses affinités et de ses contiguïtés avec d’autres approches conceptuelles, esthétiques et idéologiques dans le cadre d’une contribution en vue de la publication d’un livre collectif en juillet 2022.
Dans le cas où la proposition est retenue, l’article sera à remettre impérativement avant le 20 juin 2022pour une publication fin août 2022.
Responsable : Escoffier-Ulrich KOUASSI
Adresse : Korhogo, Côte d’Ivoire
Comité scientifique
Adama COULIBALY, Professeur Titulaire, Université Félix Houphouët-Boigny
Pierre N’DA, Professeur Titulaire, Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan
Jean-Marie KOUAKOU, Professeur Titulaire, Université Félix Houphouët-Boigny
Roger Dého TRO, Professeur Titulaire, Université Alassane Ouattara
AMANGOUA Philip, Professeur Titulaire, Université Félix Houphouët-Boigny
Pascal MINDIÉ, Professeur Titulaire, Université Alassane Ouattara
Claude DÉDOMON, Professeur Titulaire, Université Alassane Ouattara
Amara COULIBALY, Professeur Titulaire, Université Alassane Ouattara
Antoine Kouadio ADOU, Maître de Conférences, Université Peleforo Gon Coulibaly
Jean-Marie GBAKRÉ, Maître de Conférences, Université Peleforo Gon Coulibaly
Assanvo Amoikon Dyhié, Maître de Conférences, Université Félix Houphouët-Boigny
Escoffier-Ulrich KOUASSI, Maître-Assistant, Université Peleforo Gon Coulibaly
[1] Hendrik Van Gorp et alii, Dictionnaire des termes littéraires, Paris, Honoré Champion, 2005, p. 425, « ce roman est un type qui dépeint l’épanouissement intérieur d’un personnage, de l’enfance à la maturité. Cet épanouissement adopte plusieurs formes, qui donnent lieu à autant de sous-genres : l’« Entwicklungsroman » – le développement d’un personnage – ; l’ « Erziehunghroman » – l’éducation ou apprentissage, le « Künstlerroman » – la formation artistique. Le « Bildungsroman » – la formation sociale » est le mode accompli du genre ; il souligne le poids du milieu : le contexte socio-culturel, la famille, les amis ou relations, le vécu sentimental ou autre ».
ADRESSE
COORDINATEUR
Escoffier-Ulrich KOUASSI